L'amnésie cessera t'elle enfin? (1)

Publié le par Lémuria

 

Réponses ou interrogations ?



La nuit venait à peine de tomber lorsque je quittais les quartiers que l’on m’avait octroyé. Cela faisait plusieurs semaines à présent que j’étais arrivé en ces lieux, ou plutôt, que j’avais échoué ici. Je laissais Alyssia découvrir cet endroit à sa manière, n’imposant pas ma présence à tout bout de champ, afin qu’elle puisse se familiariser avec sa nouvelle vie. Je lui avais, bien entendu, donné de quoi se défendre, ainsi que des avertissements sur les menaces bien réelles dans les murs de cette prison d’or et de diamant. Je n’avais toujours pas revu Taryn, je ne pouvais m’empêcher de me demander si tout allait bien pour elle. J’avais conscience que je lui devais beaucoup. Elle m’avait tendu la main lorsqu’il l’avait fallu et d’une statue d’argile, elle avait fait de moi – du moins à ce qu’il me semblait – un homme. J’étais comme toujours vêtu de cette même chemise bleue, de ce même pantalon noir et de ces mêmes chaussures trop grande –qui me convenaient cependant parfaitement avec les deux paires de chaussettes que je portais - que la jeune femme m’avait gracieusement offert quelques semaines plus tôt. Ils étaient d’ailleurs les seuls vêtements que je possédais.

Je longeais l’interminable couloir avant d’emprunter les escaliers. Comme toujours lorsque j’étais seul – routine nocturne- j’empruntais ce même chemin avec pour seuls compagnons, mon journal et ma mine de plomb. Je passais cet interminable couloir sombre qu’était le hall d’entrée tout en adoptant l’attitude dont mon « ange gardien » m’avait parlé afin que je ne m’attire pas davantage d’ennuis que je n’en avais déjà. Je me tenais droit, j’avais l’air fier et bien que mon regard toisait le monde, le bleu de mes yeux n’en trahissaient pas moins mon trouble intérieur. Éternelle routine pour moi que de me rendre près de la fontaine pour m’y asseoir. Si j’en avais été capable, j’aurais soupiré. Ma manière d’être – ou plutôt de paraître – changea : j’étais de nouveau tel que je suis : troublé, perdu et mal assuré.

La nuit était particulièrement claire, la lune, ronde, dessinait ses courbes à la surface de l’eau. Les étoiles illuminaient son manteau d’encre. Assis sur le marbre taillé je fixais son reflet alors que le mien semblait toujours refuser de s’y refléter. C’était pour mon esprit égaré, à la fois rassurant et très perturbant. Troublant parce que je ne savais pas moi-même à quoi je ressemblais. Comme pour en rajouter à mon mal être, cela ne faisait qu’étayer la thèse vampirique que Taryn avait avancé. Cette dernière se dessinait de plus en plus nettement devant mes yeux. Elle écrasait inexorablement la vaine illusion à laquelle je m’accrochais avec toute la ferveur, la hargne et l’énergie dont j’étais capable ; à savoir celle d’une maladie rare alors que je ne pouvais concevoir le surnaturel.


* Ou peut être que je ne le veux pas et que ce serait pour cette raison que je ne le peux pas… *

Mon absence de reflet me confortait pourtant en même temps. Paradoxal n’était-il pas ? Je ne pouvais savoir si je tenais plus de l’homme ou de l’animal en ne me voyant pas moi-même. Lorsque je perdais tout contrôle de ma personne, dans mon esprit, j’apparaissais comme une sorte de créature monstrueuse assoiffée de sang. Il m’était plus facile de ne pas avoir de confirmation ou d’infirmation sur cette pensée.

Perdu dans mes pensées, adossé à présent contre la fontaine, je passais ma main sur la surface de l’eau, faisant glisser cette dernière entre mes doigts. J’aimais son contacte, son bruit, elle m’apaisait. Avais-je eut par le passé une expérience avec elle qui expliquerait ce sentiment qui m’envahissait à son contact ? Je faisais danser la lune sur la surface de l’eau par de petites ondes. Qui d’autres pouvait se vanter d’entamer une danse avec l’astre de la nuit ? Brève illusion enfantine et puérile, mais ô combien plaisante…

J’étais bel et bien une bouteille vide dont l’air était m mémoire. Je me trouvais ballotté au gré des vagues et des vents, essuyant parfois la colère de la mer au travers de mes mauvaises expériences. Tantôt vers le large, tantôt vers le rivage, je subissais plus que je ne vivais ; mais jamais une certitude constructive ne me venait, hormis celle-ci : mes souvenirs se trouvaient quelque par dans mon esprit et ne demandaient qu’à se dévoiler, il me fallait trouver comment. Mes questions, de plus en plus pesantes, me hantaient constamment. Fort heureusement pour ma raison, les brumes qui obscurcissaient les méandres de ma mémoire s’estompaient parfois brièvement, laissant naître en moi de nouvelles interrogations, mais surtout, ne me faisant pas abandonner et jeter l’éponge. Un jour, je saurai.

Je balayais rapidement les lieux du regard, comme pour m’assurer de ma solitude, comme si quelque chose me disait que cette nuit ne serait pas comme les autres… Je me méfiais des "autres" – ceux qui étaient semblables à moi par leur "maladie", mais également des personnes réduites ici à la servitude – j’avais connu ici plusieurs expériences désagréables. Certaines m’avaient été particulièrement douloureuse, j’en portais encore quelques séquelles infimes, mais surtout, une crainte et une méfiance omniprésente. C’était en partie cette peur qui me poussait sans cesse à me torturer l’esprit afin d’avoir des réponses, j’avais besoin de savoir pour comprendre. Lorsque je me jugeais – à tort ou à raison – réellement seul, je sortais mon journal ainsi que ma mine de plomb, mes fidèles compagnons. Cela faisait longtemps à présent que je n’avais couché mes mots sur papier. Pourtant, ils me permettaient de m’analyser et de m’éclaircir les idées par une relecture. Lentement ou plutôt, soigneusement je l’ouvris.

Mes derniers mots étaient : « N’ai-je donc jamais été quelqu’un pour personnes ? » Cette question avait encore tout son sens et toute cette importance pour moi. N’ayant toujours pas de réponses satisfaisantes à mon goût, simplement quelques rêves ou cauchemars, quelques impressions et sensations, ou encore quelques flashs, je ne parvenais pas encore à produire quelque chose de constructif. Je commençais à me demander si je n’allais pas devoir me construire sans fondations solides, mais j’avais bon espoir cependant, ces bribes de souvenirs m’apparaissaient de plus en plus, bientôt, je saurais.

Comme d’accoutumée, je m’emparais de ma mine de plomb pour coucher mes mots sur papier. Mes souvenances devenaient de plus en plus précises, je devais les rassembler afin de tenter de décrypter l’énigme de ma mémoire.


Une nuit à danser avec la Lune

Je cesse de numéroter mes nuits et je préfère leur donner un nom… Cette numérotation n’a plus aucun sens puisque des jours, voir même des semaines peuvent s’écouler sans que je n’éprouve le besoin de devoir me vider l’esprit. Il serait dérisoire que je poursuive. De plus, cette fois je connais la date de cette nuit, c’est l’été aujourd’hui, nous sommes le 21 juin 2016.

Les méandres de mon passé semblent vouloir ressurgir de ma mémoire. Mes souvenirs paraissent se débattre pour se montrer enfin au grand jour. Tout a commencé par un rêve, ou plutôt, un cauchemar, mais cela, je l’ai déjà dit. Cependant, les choses ont évolué, enfin ! Si a début il ne s’agissait que d’une silhouette et d’un nom : Morgann, aujourd’hui, l’une de ses ombres c’est distinguée des deux autres. Celle qui se tenait debout à me demander de choisir entre deux vies s’est précisée. Il ne s’agit nullement d’un homme comme je l’avais pensé, mais d’une femme à la chevelure longue et ondulée. Je ne vois pas son visage… Comme si quelque par, je ne voulais réellement pas me souvenir. Les silhouettes des deux autres, dont cette Morgann me demande de choisir lequel vivra duquel périra, restent toujours aussi sombres. Elles ne prennent toujours pas forme. Pourquoi ? Qui sont-elles ? Ou, qui sont-ils ? Rien que de repenser à cette horrible femme, j’en ai des frissons, j’en ai des sueurs froides et presque des frissons. À chaque fois que je m’endors, je passe une partie de mon sommeil à faire et refaire ce rêve. Ma réaction reste toujours la même cependant, incapable de choisir, paralysé, effrayé, horrifié… Je me réveille à chaque fois tremblant comme un enfant. Je me demande ce qu’il a bien pu se passer pour que je cherche autant à savoir tout en me refusant de voir.

Un air de violon provenant du palais a éveillé en moi quelque chose. Je l’ai entendu lorsque Taryn et moi approchions. Depuis il hante mon esprit. Je suis certain de le connaître. Quand, où et comment, je n’en ai pas la moindre idée, mais je le sais. Je pouvais dire les notes avant qu’elles ne soient jouées. Je sentais presque le bois de cet instrument si noble entre mes doigts. Cette mélodie – bien que mélancolique – me prenait aux tripes, et le fait encore. C’est inexplicable…


Il c’est déroulé tellement de choses en quelques semaines, que je ne suis pas certain de ne rien oublier de coucher sur papier.

Un visage m’est venu cette nuit. Il était bien plus qu’un visage, j’en suis certain. En fermant les yeux, je pouvais presque le sentir. Étrange sensation… Je l’ai croqueté, mais je ne suis plus certain avec le recul qui lui soit réellement ressemblant. Plus j’y repense et plus je me dis que si ce visage m’est apparu aussi clairement, c’est qu’il a une signification importante pour moi. Le tout est de trouver laquelle à présent…

J’ai fait une rencontre, du moins, plusieurs, dont certaines mauvaises, mais celle-ci…


J’ai rencontré un homme atteint de la même "maladie" que moi. Il était pourtant tellement différent que s’en était inquiétant. Il possédait se qu’ils se plaisent à nommer ici, une esclave, pour moi je considère qu’il s’agit d’une protégé. Elle était très serviable, toujours à se plier en quatre pour cet homme, son "maître". Elle a fait cependant preuve de maladresse : elle n’avait pas changé les fleurs du vase – étourderie anodine – cela provoqua chez cet homme – ce Maxwell se mit dans une rage telle qui lui a brisé la nuque sans plus de cérémonie. J’ai paniqué – je ne supporte pas la violence et encore moins la confrontation avec la mort. J’ai glissé de mon fauteuil, le faisant basculer avec moi dans ma chute. Je suis alors passé au travers du plancher pour atterrir dans les cuisines, à l’étage du dessous. Là, je me retrouvais étendu sur le plan de travail, incapable de bouger. Je n’étais pas blessé, certes, j’avais peur, mais c’était une étrange fatigue qui m’avait empêchée de bouger. Quand j’ai de nouveau ouvert les yeux, trois nuits s’étaient écoulées et je me trouvais dans mon lit, confortablement installé sous mes draps. Ce devait être un rêve, je ne vois pas d’autres explications.


Je dois commencer à perdre la raison et avoir des hallucinations. Entre cette fois et celle où, hors de moi, j’ai cru voir le gravier du chemin du palais vibrer, je commence à douter de ma santé mentale. Quelque chose ne doit vraiment pas tourner rond chez moi. Ou alors il y a quelque chose que je ne m’explique pas.


J’ai également découvert que j’avais une peur panique du feu. Ça tient bien plus de la phobie que de la simple frayeur. J’en suis terrorisé. Comme si j’avais connu quelque chose d’horrible en présence de cet élément…


Finalement, j’ai beaucoup de question, mais aussi énormément de début de réponse. Avec de la persévérance, je devrais parvenir à démêler tout ça… Bien qu’un coup de pouce ne soit pas de refus. Mais depuis mon arrivée ici et grâce à Taryn, je dois le reconnaître, je ne fuis plus, je tente de trouver des réponses, mais peut-être a-t’elle raison, peut être que celles que j’attends ne me plairont pas… Peu importe, j’ai un besoin vital de savoir.

L’ombre de ses explications vampiriques plane toujours. Au fur et à mesure que j’avance, tout conforte sa thèse. Alors je me pose la question suivante : à t’elle raison ou suis-je atteint de la maladie qui a donné naissance au mythe des vampires ? La seconde me serait tellement plus simple à admettre…


Sur ces quelques mots, je refermais mon carnet de route. A bien y réfléchir, lorsque j’en prenais le temps du moins, je possédais déjà beaucoup d’éléments, contrairement à ce que je pensais. Mo besoin de réponse me poussait cependant à aller toujours plus loin, à trouver toujours davantage de réponses que je n’en possédais déjà. Curiosité malsaine ? Orgueil ? Réel besoin ? Peur ? Qu’était-ce dans le fond ? Un manque ? avais-je à y gagner ou tout à y perdre ?


Comme toujours, j’allais dormir un ou deues heures. Je ne parvenais jamais à dormis plus de trois heures consécutives en journée, sans doute était-ce des restes de mes mésaventures en ville…

« Tu me sembles bien perdu, petit oiseau de nuit… »

Mon sommeil était d’ordinaire agité, cauchemardesque, mais cette fois, il fut calme et des plus paisible comme si quelque chose ou quelqu’un autour de moi m’apaisait. Il fut cependant des plus court, en proie à un sommeil noir et sans rêve, quelque chose ou plutôt quelqu’un me tira des bras de Morphée. Cette présence, indescriptible, me paraissait pourtant familière. C’était inexplicable. Je connaissais cette présence et pourtant, elle m’était inconnue. Lentement, j’ouvris les yeux. Dans un premier temps, ce fut une silhouette trouble qui se dessina devant mes yeux. Je relevais la tête, l’esprit encore embrumé par le pays des rêves, dirigeant mes pupilles bleues encore engourdies vers ce qu’il me semblait être un homme. Peu à peu, le brouillard se dissipa pour prendre forme. Il s’agissait bien d’un homme.

°°°

On peut aisément pardonner à un enfant qui a peur de l’obscurité,
La vraie tragédie de la vie,
C’est lorsque les hommes ont peur de la lumière.

Platon
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Ce visage… C’était bien lui, je l’aurais reconnu entre mille. Je l’aurais pu, j’aurais eu le cœur qui battait la chamade. C’était ce même visage que j’avais croqueté… Cet homme… Cela m’apparu comme une évidence, il était l’une des deux silhouettes dont Morgann – la femme sans visage – me demandait de faire le choix de qui vivrait, de qui périrait. Les yeux écarquillés, je fixais le visage de cet homme. Mon regard trahissait ma surprise, mes questions naissantes, mais aussi, le fait que je le reconnaissais. Pourtant, les paroles de Taryn me ramenèrent sur terre. Je ne devais jamais montrer mes sentiments dans cet endroit, ne jamais baisser ma garde. C’était plus facile à dire qu’à faire.

Me redressant je tentais de me reprendre lorsqu’il prit la parole. Étais-je si translucide que cela ? Me connaissait-il pour lire ainsi comme un livre ouvert ? Si son visage m’était si familier, j’étais certain que cela venait du fait que je le connaissais. Je pris un air sûr de moi, malgré que mes yeux trahissent tout le contraire. Je n’avais jamais su cacher mes émotions alors que ces derniers n’avaient de cesse de les afficher au grand jour.


°°°
 
Les meilleurs souvenirs sont ceux que l'on a oubliés.


Alfred Capus
°°°


J’ignorais quelle attitude adopter. Si je ne me trompais pas et qu’effectivement cet homme me connaissait. La question était, s’il arrivait aussi facilement à lire en moi, était-ce parce qu’il me connaissait bien ? Si tel était le cas, je ne pouvais pas feindre de ne pas le reconnaître, sans quoi il aurait quelques soupçons. Cependant si je ne l’avais connu que brièvement, je pouvais dire une vérité partielle… J’espérais qu’il en soit un peu des deux. Je ne pouvais pas faire comme si de rien n’était si nous nous étions bien connus par le passé. Au contraire, s’il ne c’était agit que d’une simple rencontre, le tour était joué. Je devais trouver une solution… Je devais agir vite et bien. Mais comment ?

Face à mon silence, l’homme de mon croquis allait finir par se poser des questions, il fallait que je me jette à l’eau. On m’avait trop souvent mis en garde contre le tempérament des gens qui vivaient ici et j’en avais plusieurs fois eu la preuve. Je ne tenais pas à tenter de nouveau le "diable". Cette fois, je ne pouvais plus reculer, il fallait que je réagisse, j’étais au pied du mur. Je n’avais plus de marche arrière possible. J’optais pour ma seconde idée sans grande conviction, ce fut tout en me relevant que je pris la parole :


« Bonsoir… »


Ma voix était bien trop hésitante, je devais me montrer sûr de moi. Je m’éclaircissais donc la voix avant de poursuivre :


« Qu’est ce qui pourrait vous faire croire que je suis perdu ? »

* Peut-être ta mine déconfite du réveil tout à l’heure bougre d’âne. Enchaîne ou tu vas te faire remarquer, si ce n’est pas déjà fait. *


Je ne savais pas comment réagir exactement. D’un côté je brûlais d’envie d’harceler cet inconnu par des questions. Pourquoi avais-je vu son visage ? Pourquoi avais-je la sensation de le connaître au point d’avoir sus dessiner ses traits ? Que faisait-il dans mon souvenir ? Que c’était-il passé ? Mais d’un autre, je gardais le silence sur ces questions obsédantes. Je faisais celui pour qui tout allait bien, celui qui savait exactement se qu’il faisait et disait, mais il n’en était rien. Je n’allais pas "bien", rien ne tournait rond autour de moi…


« Votre visage me semble familier, nous nous connaissons ? »


Je venais de me risquer à l’interroger. Quelle bêtise ! Si par le passé nous nous connaissions effectivement bien, je venais de me vendre. Je n’allais pas pouvoir me présenter comme étant Hedgard Rey, comme m’avait si savamment nommé Taryn. Ce nom cachait en son sein le surnom qu’elle m’avait offert : "l’Égaré" et qui avait en quelque sorte fait que de "personne", j’étais devenu "quelqu’un". Je me maudissais intérieurement de n’avoir pas su résister à cette question… Et si effectivement je venais de me vendre, qu’allait-il advenir ?

«Je vais commencer par répondre à ta seconde question. Effectivement, nous nous connaissons. Sache qu’en ces lieux, je suis la personne qui te connaît le mieux… »


Ainsi j’avais raison, nous nous connaissions. Le sous-entendu que venait de faire cet inconnu me fit comprendre que je m’étais trompé. La seconde de mes hypothèses avait été fausse, et la première juste : d’après ses dires, il me connaissait bien. Mais qui était-il ? Où nous étions-nous connu ? Quand et comment ? Savait-il qu’en une simple phrase, il avait éveillé bien plus de questions que je n’en avais eues jusqu’alors ?

« Te souviens-tu de cette présence qui ne t’as pas quitté durant quelques temps ? Il s’agissait de moi… »


***

La curiosité des enfants est un penchant de la nature qui va comme au-devant.


Fénelon
***


« J’espère que cela ne te déranges pas. Nous risquons d’avoir pas mal de petites choses à nous dire, et j’aimerais éviter de prendre racine vois-tu… »


La courte pause qu’il marqua avant de reprendre me fit bouillir d’impatience et de curiosité. Cependant, elle ne fut en rien assouvi par les propos qui suivirent. Il m’avait suivit durant des semaines, des mois sans jamais se montrer… Pourquoi ? Pourquoi n’était-il pas intervenu ? Il avait assisté à tout sans jamais bouger le petit doigt. J’étais partagé entre la colère et l’incompréhension. Il m’avait laissé tuer cet enfant, sans rien dire, quel homme était-il pour m’avoir laissé faire ça ?


« Tu dois avoir beaucoup de choses à me demander, de questions à me poser. Je connais ta situation, je pense pouvoir comprendre l’état dans lequel tu dois être, et le besoin de réponses qui doit t’animer. Alors ne te retiens pas, demande moi ce que tu veux. Il faut cependant que je te prévienne d’une chose : je ne répondrais pas forcément à toutes tes questions… pas ce soir en tout cas… »

***

La colère est comme une avalanche qui se brise sur ce qu'elle brise.


Sénèque


***

J’étais perdu, comment devais-je réagir ? Devais-je me mettre hors de moi ? Si je réagissais de cette manière, je mettrais toutes mes chances de pouvoir retrouver mes souvenirs. De plus, si lui et moi étions proches, je risquais de compromettre mes chances de retrouver ce lien, quel qu’il soit, qui nous unissait… Je ne voulais pas non plus le faire fuir…


***

Quand on est aimé, on ne doute de rien. Quand on aime, on doute de tout.


Colette
***


D’un autre côté, j’étais curieux. Je voulais tout savoir sur moi, sur lui, sur nous. JE ne voulais plus rester dans cette incertitude qui me rongeait de l’intérieur. Qui étais-je ? Pourquoi avais-je tout oublié ? Pourquoi m’étais-je oublié ? Quel était cette maladie qui me rongeait ? Avais-je été quelqu’un pour lui ? Quel était mon nom ? Qui était cette Morgann ? Qui étaient ces ombres dans ce cauchemar ? Je ne me souvenais de pratiquement rien, la liste de mes questions était interminable…

Brusquement, se mêlant à la curiosité, à la colère ainsi qu’à la désorientation que je ressentais, la peur s’insinua. Et si en réalité j’étais l’un de ces monstres dont m’avait parlé Taryn ? Et Si je prenais plaisir à torturer et à faire souffrir ? Si je me suffisais à me comporter comme un monstre… Je ne pensais pas pouvoir le supporter.


***

La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.


George Lucas
***


Je le regardais s’asseoir près de moi, je fis de même puisque je m’étais relevé par politesse. Ses paroles me tirèrent de mes réflexions alors que tout à tour, la peur, la colère, la curiosité et l’incompréhension apparaissaient tour à tour dans le bleu de mes yeux. Je lui accordais toute mon attention lorsqu’il prit de nouveau la parole.

Il avait l’air tellement sûr de lui, tout mon contraire, je l’enviais presque. Il avait aussi un certain décontracté déstabilisent. Quant à la fin de ses paroles, pourquoi ne voulait-il pas tout me dire dès maintenant ?


***

Reconnaître que l’on ne sait pas, c’est déjà savoir quelque chose.


Proverbe chinois

***


* Vas doucement, tu vas te perdre avant d’arriver au but *

« Vous étiez là… Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu ? Qui suis-je ? Qui êtes vous ? Pourquoi restiez-vous là avec moi ? Pourquoi ne rien faire ? Quel était votre intérêt ? Pourquoi ai-je tout oublié ? Je suis désolé de vous assommer ainsi… Mais… Vous aviez raison, je suis perdu, je ne sais même pas comment je dois réagir… Je ne sais pas si je dois être en colère, être impatient de savoir, avoir peur de se que je vais apprendre... »


Ma voix était hésitante et s’éteignait presque lors de ma dernière phrase. Mal assuré, je l’étais depuis le premier jour de mon éveil, mais jamais à ce point. Mes sentiments contradictoires me tiraillaient. Au point que j’avais la sensation que ma tête tournait. J’en avais presque des nausées. Je l’aurais pu, j’aurais viré au vert ou au blanc.


« Pourquoi tout ça ? C’était un jeu pour vous ? »

« Tu ne m’assommes pas… Non, je n’ais pas fait tout cela par jeu… Heureusement encore, je ne me serais pas vraiment amusé… Pourquoi ne suis-je pas intervenu? C’est un peu compliqué à expliquer… et peut être un peu tôt aussi. Il ne le fallait pas. Dans ton intérêt, et pas tellement dans le mien contrairement à ce que tu as pu me dire… »

C’était étrange comme situation, à chaque question – ou presque – que je posais, j’obtenais plus ou moins une réponse, et à chaque réponse, naissant en moi de nouvelles interrogations. N’en verrais-je donc jamais le bout ? N’y avait-il pas de fin à mes questionnement ? Je me sentais enfant, bien plus encore que je ne me l’étais senti face à Taryn. Oui, c’était bien le mot : Enfant. D’un côté, je trépignais d’impatience de connaître les réponses à mes interrogations, un peu comme un bambin le soir de noël, impatient de recevoir ces présents, et de l’autre, j’avais peur de l’inconnu, comme ces chères têtes blondes qui découvrent une vieille cabane abandonnée dans les bois. J’écoutais cet homme, qui me semblait paradoxalement tellement étranger et tant familier…

°°° Imagination ou désir enfouis de rencontrer quelqu’un que je connaissais ? °°°


« Je pense que tu as compris une chose : je suis la clef de ton passé. Tu as été frappé d’amnésie, saches que cela n’est pas définitif, mais retrouver la mémoire peut prendre longtemps, des années, des décennies même, tout dépend de la personne. Bien évidemment je vais t’aider. Cependant, si je te déballais tout ce que tu es ce soir, tu ne le supporterais pas. Il y a trop de choses à emmagasiner, et surtout à accepter. Vivre avec son passé n’est pas évident, alors je n’ose même pas imaginer ce que cela peut donner lorsque l’on nous révèle quelque chose dont on n’avait même pas conscience…
Il m’a parut nécessaire de te laisser seul, ou tout du moins de te donner l’impression d’être seul, durant quelques temps. Il fallait que tu t’habitues à toi-même, à ce que tu étais… Et puis que peu à peu, tu te réhabitues à moi. Lorsque tu m’as vu arrivé, tu étais juste surpris de voir que tu connaissais mon visage n’est-ce pas? Je serais apparu devant toi peu après ton réveil, tu aurais été telle une bête sauvage que j’aurais du apprivoiser. Je nous ai facilité la vie, et fait gagner du temps… »


Je l’écoutais me dire que s’il n’était pas intervenu c’était dans mon intérêt, mais je ne comprenais pas comment mon intérêt pouvait-il être dans la mort d’un enfant. Quelque chose m’échappait. Je ne savais pas quoi, mais je sentais qu’il y avait quelque chose d’autre… Quelque chose de bien plus « grave » derrière tout ceci. Ses formulations me le laissaient supposer…

 

Publié dans Un Vampire Amnésique

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